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mardi 27 janvier 2015

Le réveil de la Grèce et l'interrogation européenne

Des partisans de Syriza à Athènes le 25 janvier. Sur le t-shirt au centre : "L'autre Europe avec Tsipras". Louisa Gouliamaki/AFP

Les élections de dimanche en Grèce marquent un tournant dans la politique européenne. Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur le sujet, donc je ne voudrais soulever que deux questions: 
1) Est-ce la fin de la distinction classique droite/gauche au profit d'une distinction souverainiste/globaliste?
2) L'UE aura-t-elle la force et les moyens politiques de remettre en cause sa politique néo-libérale communément appelée politique d'austérité?


Vers la fin de la distinction droite / gauche?

Le parti de gauche Syriza, dimanche, a remporté les élections haut la main, obtenant 149 sièges au Parlement sur 300. A deux sièges de la majorité absolue, il forme une coalition non pas avec le PC, mais avec le parti de droite des Grecs indépendants. Cette décision provoque une rupture dans la conscience européenne. 

En effet, le clivage politique classique en Europe était droite / gauche. La première branche économiquement libérale, prévoyait un retrait de l'Etat et une libéralisation du marché. La seconde branche prônait l'intervention de l'Etat pour soutenir l'économie et le développement des programmes sociaux envers les plus démunis. Et les deux tournaient autour du même projet de société. En France notamment, l'on passait allègrement de l'un à l'autre, appelant cela l'alternance, gage de démocratie. Sans vraiment se rendre compte de grands changements. Et plus le temps passait, plus l'intégration européenne avançait, moins de divergences existaient entre ces partis dont la marge de manœuvre est de toute manière très réduite. 

Globalement:
  • le libéralisme politique et économique est accepté par tous; 
  • le déficit public fait que, de toute manière, les pays européens n'ont pas vraiment les moyens d'une politique sociale, surtout avec des frontières ouvertes; 
  • l'affaiblissement de l'Etat conduit au renforcement du marché et donc des acteurs économiques face aux acteurs politiques, ainsi qu'au renforcement de structures internationales sur les structures nationales. 


Or, la grande question n'a plus le droit d'être posée. Est-il possible de remettre en cause le bien-fondé de la politique européenne telle que nous la connaissons aujourd'hui? S'interroger en ces termes conduit à être rejeté en marge du système accepté de pensée politique. L'opposition normale reste la droite ou la gauche. Et d'une certaine manière c'est juste. L'opposition ne peut être que systémique, sinon elle est destructrice pour le système donné et l'on ne peut plus parler d'opposition, mais d'un autre projet de société. Remettre en cause la politique européenne oblige à remettre en cause la suprématie de l'UE et donc repenser le modèle politique dans lequel nous vivons et à le repenser de manière critique. Donc cela entraîne automatiquement un bannissement: l'existence même de ce discours, considéré comme trop dangereux. 

Pour autant, la question existe et elle est posée, de manière discrète, à l'intérieur des formations politiques existantes. D'où la remise en cause de cette distinction droite / gauche, non pas de manière structurelle, mais encore individuelle. Avec la Grèce, nous sommes passés à un nouveau stade. Pour la première fois, la question existentielle est posée ouvertement et la réponse est non conformiste: le véritable paradigme politique se trouve autour d'un axe souverainiste / globaliste. C'est en cela que consiste le premier choc. Et l'alliance entre un parti de droite et un parti de gauche, tous deux eurosceptiques et souverainistes est une première. L'alliance pourra-t-elle tenir? Est-ce suffisant d'avoir un ennemi commun pour construire une politique nationale? L'avenir nous le dira. Mais déjà un mythe est tombé. Et ne serait-ce que pour cela, ces élections sont historiques.

Le système de l'UE est-il encore apte à se remettre en cause?

Là est la deuxième question. Tous les intervenants européens ont compris le message: la politique d'austérité est allée trop loin. L'on ne peut demander à un Etat de privatiser les services publics de santé, d'enseignement etc. Les soins doivent être pris en charge par l'Etat. C'est un acquis européen continental. Il n'est pas acceptable de vendre l'histoire nationale au plus offrant. Bref, le marché ne peut pas tout résoudre. Et chacun a pu voir à quel point ces mesures d'austérité furent contre productives.

L'UE ne peut pas se permettre de remettre totalement en cause sa politique à l'égard de la Grèce, car derrière, évidemment, l'Espagne attend, tout comme l'Italie. Pour ne citer qu'eux. Mais l'UE ne peut pas se permette de laisser sortir la Grèce de l'euro et encore moins de l'UE. En terme d'image, la Grèce est le berceau de l'Europe. Si elle sort, cela montrera à la face du monde que l'UE n'a plus rien à voir avec l'Europe. Et il est trop tôt pour faire son comming out. Sur un plan plus pragmatique, cela donnerait des idées aux autre pays, qui pourraient également vouloir sortir du système de l'UE. Le pire, pour l'UE, serait que la Grèce s'en sorte après avoir quitté le système. Celui-ci imploserait immédiatement.

Mais donner des facilités financières à la Grèce, et donc également à d'autres pays, pourrait aggraver la crise à l'intérieur de la zone euro. Par ailleurs, il n'est pas certain que A. Merkel, autrement dit que les Etats Unis, y trouvent leur intérêt. Autrement, l'UE aura-t-elle la volonté économique et politique? C'est à en douter.

D'une manière ou d'une autre, l'UE se trouve face à une crise majeur, qui dépasse largement les enjeux économiques. C'est la question du bien-fondé de son existence en ces termes qui est posée. Et il est intéressant que ce soit la Grèce, berceau de la Démocratie, qui nous rappelle qu'un Etat souverain n'a pas à se mettre à genoux devant des organismes internationaux, mais doit défendre avant tout les intérêts de sa population.

4 commentaires:

  1. Bonjour Madame,
    Encore un excellent article clair et synthétique.
    Je me permets de rajouter que l'opposition "droite/gauche" est dans la plupart des pays du bloc occidental (USA-UE), totalement fabriqué et hypocrite.
    Les véritables valeurs de gauche (solidarité et défense des plus modestes) sont bien plus proches des traditionnels partis communistes. Ou dits "d'extrême-gauche" dans la novlangue.
    Ce qu'on appelle la "gauche", bref la "sociale démocratie" - Parti Socialiste en France, a depuis longtemps démontré son alignement néo-libéral.
    Merci pour votre blog.

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  2. Bonjour,
    Vu l'évolution du discours de Syrisa depuis ces deux dernières années (maintien de l'Euro et de l'UE) je me demande, incorrigible cynique que je suis, si tout ceci n'est pas un leurre de plus.
    Pour un parti anti-système il me semble que Syrisa a été bien chouchouté par les médias.
    D'ailleurs l'approbation quasi unanime des partis de la "gôooche" européiste et même du FN me laisse comme un début de nausée dans la gorge.
    Je me souviens de la liesse de la victoire d'Obama ou de celle, moindre il est vrai, de celui dont l'ennemi était la finance... liesse bien amère aujourd'hui.
    Wait and see....

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    1. Je crois que vous avez malheureusement raison. L'unanimité de la presse-tituée dithyrambique alors qu'il s'agit quand même d'un parti d'extrême gôche (????) est plus que louche.
      C'est comme les manifs "réussies" à l'appel des médias... Quand arrêterons nous de nous faire manipuler ?

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  3. Le KKE a ceci de particulier qu'il est souverainiste et non globaliste (même s'il est internationaliste) pour reprendre les catégorie de l'opposition que vous énoncez.
    C'est parce qu'il pense que Syriza est "la force de réserve de gauche" du système capitaliste et n'incarne pas une rupture qu'il a refusé toute alliance par avance.
    Bien entendu, cette position apparaît comme sectaire mais le KKE sera peut-être encore une force de recours en cas d'amolissement et d'atermoiement car la capacité de mobilisation du syndicat PAME qu'il anime reste très forte, sans aucune mesure avec celles de nos syndicats français qui ont des problèmes de logement et de parachutes dorés...
    En 1936, en France c'est une fois les élections faites que la lame de fond des grèves a commencé. Peut-être que ce type de situation peut advenir en Grèce, car si on regarde finement les résultats dans les régions on voit que des forces progressistes émergent.
    Mais pour ce qui est de votre belle analyse et de la conclusion j'y souscris entièrement.
    Dominique.

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