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vendredi 25 juillet 2014

Iatseniouk en démissionnant peut-il lui même nommer son successeur?


Le 27 février 2014, après la formation de la coalition parlementaire "Le choix européen", Iatseniouk prend la tête du Gouvernement ukrainien résultant du coup d'Etat, après la mise en fuite du Président Yanukovich. L'annonce hier de son départ, au plus chaud de la guerre civile, quand la coalition pro-européenne s'effrite, que le budget est totalement vide et qu'aucune question sociale n'a été réglée, a quelque peu surpris. D'autant plus qu'en nommant lui-même son successeur au mépris total de la législation ukrainienne, un chaos institutionnel s'installe en feuilleton de l'été. Comment analyser cet évènement de politique intérieure, qui pourrait avoir des répercussions plus large.
 

 
Que s'est-il passé hier pour décider Iatséniouk, semble-t-il à la surprise générale, à démissionner? C'est la question-clée de la journée. Et les réponses sont multiples.
 
Tout d'abord, selon ses propres dires, il part car la coalition parlementaire est dissoute et que la Rada n'a toujours pas adopté des textes importants qui sont censés remplir le budget, permettre l'indépendance énergétique de l'Ukraine par rapport à la Russie et donc permettre  de pouvoir payer les salaires.
 
Et en effet deux questions cruciales restent en suspend. Au 1er août, l'Ukraine ne peut plus payer son armée, comme l'indique The Washington Post. Or, en ce moment, il est important de rester souder et ce départ ne peut être salué, comme le souligne John Herbst, ancien ambassadeur américain en Ukraine aujourd'hui à la tête du Atlantic Council’s Eurasia Center.
 
On dira donc que cette décision est inattendue, pas seulement à l'intérieur du pays. Et elle est liée au refus du Parlement d'augmenter le budget de l'armée, alors que les autres services publics ne peuvent déjà plus fonctionner correctement, d'une part. Et d'autre part, au refus d'adopter la réforme passant à la gestion étrangère des ressources énergétiques en Ukraine, donc au détriement du business local, qui lui aussi est intéressé pour entrer dans la recapitalisation. Celui-ci ne semble finalement pas tout à fait d'accord.
 
Et ces mesures sont effectivement très impopulaires, car elles sabrent les acquis sociaux, font baisser les salaires et augmenter les impôts et les taxes. Une partie d'entre elles sont cependant demandées par les organismes internationaux finançant l'Ukraine et sont obligatoires pour toucher la suite du financement.  Les autres sont induites par les rapports d'inféodation.
 
Il en ressort donc plusieurs interprétations possibles:
  • Iatseniouk est tout à fait conscient de l'impopularité de ces mesures, mais il a été mis en place justement pour que l'Ukraine saute le pas, ce pas qui ne lui permette plus ensuite d'aller en arrière. Or, aucun homme politique professionnel, c'est-à-dire élu et rendant des comptes à ses électeurs, ne peut sacrifier son pays pour des intérêts étrangers, car il sacrifie en même temps et sa carrière et son gagne-pain. Il lui fallait donc le faire avant que le processus institutionnel ne se normalise, ces réformes étant lancées par des hommes non-élus par la population et ne lui rendant donc pas de comptes.
  • Autre explication, le sang coule trop et ça commence à se savoir, à tel point qu'il devient difficile de tout cacher. Les crimes risquent de se savoir et il faudra un responsable. Poroshenko et plusieurs membres du Gouvernement, pourquoi pas Turchinov aussi à la tête de ce Parlement qui a détruit le pays, risquent d'être sacrifiés dans un futur proche, au profit de figure plus neuves. Pas forcément plus sincères envers les intérêts ukrainiens, mais avec moins de sang sur les mains. Bref, après ces massacres, il va falloir renouveler le paysage politique car les affaires doivent reprendre. Et Iatseniouk commence à se distencier.
  • Toujours sur le mode de la distance, mais pour d'autres raisons. Les caisses sont vides et rien ne pourra les remplir suffisamment pour éviter une profonde crise sociale et économique à l'approche de l'hiver. Il est temps de quitter le navire. Pour ensuite, peut être, revenir quand les temps seront plus cléments et les légitimités mieux établies.
Mais la procédure est quelle que peu ... surprenante. Car Iatséniouk lui-même, nomme son successeur en violation et de la législation ukrainienne et de la Constitution. L'absurde de la politique ukrainienne actuelle est condensée dans ce document, l'acte de nomination pris en Conseil des ministre et signé par Iatseniouk en personne :
 
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Le Premier-ministre prend acte de son départ et nomme son successeur par interim, Vladimir Groïsman.
 
Inutile de dire que le chaos est renforcé, car le vice-président de la Rada affirme l'illégalité de cette déclaration. Que pour en prendre acte, les parlementaires doivent se réunir, confirmer la démission du Premier-ministre, et aucune assemblée extraordinaire n'est prévue à cet effet. Le dirigeant de la fraction parlementaire du Parti Svoboda, le légendaire O. Tiagnibok, récuse lui-aussi cette démission et cette étrange nomination, appelant Iatseniouk à assumer ses responsabilités dans ces temps difficiles pour le pays.
 
Bref, la démission de Iatseniouk n'est pas reconnue comme produisant tous ses effets juridiques et le nouveau Premier-ministre par interim n'est pas reconnu par toute une part de la classe politique qui ne reconnaissent que Iatseniouk à ce poste. La suite promet d'être palpitante ...

1 commentaire:

  1. Si j'ai bien compris en ce 29 Juillet, deux jours plus tard Iatséniouk est de retour.
    Les références appuyées au "gouvernement ukrainien" par Kerry lors de sa conférence de presse avec le ministre ukrainien des affaires étrangères semblent l'admettre comme normal.

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