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mardi 20 mai 2014

Elargissement des pouvoirs présidentiels: un projet de réforme dont la Russie devrait se passer

Voir: http://pravo.ru/news/view/105207/


Un grand moment de solitude ...

La Douma vient d'approuver en deuxième lecture (sur les trois consécutives), un projet permettant au Président de la Fédération de nommer et de démettre de leurs fonctions 10% des membres du Conseil de la Fédération. Sans même insister sur l'absurdité d'une telle mesure sur le plan politique, elle est d'une dangerosité réelle sur le plan institutionnel juridique.
 
Introduire des "surper sénateurs" nommés par le Président au milieu des sénateurs "simples mortels" démontre une incompréhension totale du fonctionnement du système constitutionnel. L'idée avancée par les auteurs du projet de loi est que le Président, lorsqu'il arrive en fonction, doit pouvoir nommer des fidèles à la Chambre haute. C'est vrai qu'il n'y en a pas beaucoup ... Donc politiquement c'est absurde et injustifié. Et en plus, cela renforce l'image négative d'un pouvoir présidentiel omnipotent, ce dont la Russie se passerait bien. Ce projet de réforme est donc politiquement contreproductif.
 
Sur le plan juridique, deux remarques. En premier lieu, le Conseil de la Fédération fait partie du pouvoir représentatif. Or, le pouvoir représentatif représente le peuple, pas les autres organes de pouvoir, dont la présidence. Sinon, pourquoi ne pas laisser encore 10% au Gouvernement, 10% à la Cour suprême, 10% à la Cour des comptes etc. Il est alors possible de laisser ainsi 10% d'élus des régions, ce sera totalement équitable et totalement absurde. Or, même si l'onction populaire est indirecte dans le processus d'élection des représentants, elle seule donne à cet organe sa légitimité, sa représentativité de toutes les divergences et convergences du grand continent-Russie. Il n'est pas là pour donner l'image de la carte politique des organes de pouvoir.
 
En second lieu, on en revient toujours à la place du Président dans la séparation des pouvoirs en Russie. Ce débat doctrinal qui perdure depuis les débats pré-constituants, faisant du Président soit un arbitre en dehors des pouvoirs, soit le chef de l'exécutif. Bien qu'étant garant de la Constitution, le Président a un pouvoir normatif propre, sans contreseing, de nature infra-législative en plus de disposer du droit d'initiative législative. Techniquement donc, le Président est à la tête de l'exécutif, ce que par ailleurs V. Poutine a formalisé l'année dernière en annonçant désormais qu'il présiderait le Conseil des ministres. En ce cas, le pouvoir de nomination de membres du Conseil de la Fédération par le Président est une ingérence illégitime de l'exécutif dans le fonctionnement du législatif, ce qui porte atteinte non seulement à ces deux braches de pouvoir, mais va perturber le système en général car l'équilibre est rompu.
 
Il est dommage que la Russie n'ait pas à l'intérieur le doigté politique qu'elle a pour sa politique internationale. La confusion des pouvoirs n'a jamais permis une gouvernance efficace.

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