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mercredi 16 avril 2014

Repenser notre système de gouvernance: la démocratie ne se mondialise pas

Au-delà des mécanismes de mise en oeuvre, l'Idée de notre modèle de gouvernance repose sur le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, seul moyen de légitimer l'existence de structures déléguées qui vont gouverner un espace donné.
 
Ce modèle, comme d'autres avant lui, repose sur l'acceptation du mythe de la participation décisionnelle du peuple, une abstraction pourtant bien réelle, lorsqu'elle prend corps dans la rue. Tant que son accord est en gros et en général obtenu, tant qu'il ne se manifeste qu'à intervalles réguliers et prévus dans les urnes, son existence reste très abstraite pour la classe dirigeante, qui, par là même, tend à en oublier toute la substance.
 
Car le "peuple", c'est-à-dire les gens, vos voisins et leurs voisins, ceux que vous connaissez, ceux que vous imaginez et ceux qui ne vous intéressent pas, restent à s'occuper de leurs affaires, qui n'ont rien à voir avec la politique, lorsque globalement la politique menée satisfait ou ne dérange pas la majorité. Dans ce cas, la démocratie fonctionne, car la population ne fait pas de politique. C'est un des paradoxes de notre système.
 
Mais ce système ne peut fonctionner que dans le cadre d'espaces restreints. Un Etat. Les gens doivent avoir ce sentiment d'appartenance à un groupe, ce qui participe à leur processus d'identification et renforce en retour le groupe lui-même, construisant des liens spécifiques avec le temps, ce que l'on appelle l'histoire d'un peuple, sa culture, bref ce qui constitue la Nation, ce concept ô combien décrié. Pourtant, seul concept qui permette de légitimer avec certitude dans le temps un Etat dans ses frontières. Seul concept qui permette de légitimer la force, l'indépendance donc la souveraineté d'un Etat.
 
A partir de là, il est important de soulever certaines questions.
 
1. Pourquoi la démocratie ne peut-elle fonctionner que dans le cadre d'une structure limitée?
Comme nous l'avons rappelé, pour qu'il y ait démocratie, il faut réunir plusieurs aspects, sans prétendre à l'exhaustivité: que le pouvoir détenu par les dirigeants soit le pendant d'une responsabilité politique de ces mêmes dirigeants, que cette responsabilité politique soit exprimée par la population lors de processus électoraux directs, que les dirigeants garantissent le pacte social qui retrace les aspirations et les valeurs de la majorité et non de la minorité. Plus la structure est grande et plus les liens entre pouvoir et responsabilité seront distendus, plus la détermination du pacte social sera obtenue par un nombre grandissant de compromis qui lui feront perdre toute clarté, plus les échelons de pouvoir seront nombreux et donc le lien entre la population et les dirigeants abstrait. C'est tout l'enjeu de l'Etat-Nation, cet anachronisme dans un monde en perpétuelle recherche de post-modernisme.
 
2. Pourquoi la démocratie ne s'exporte pas?
Si ce modèle démocratique de gouvernance n'est pas qu'un ensemble formel de mécanismes, une sorte de recette de cuisine, mais comporte également des valeurs, il ne peut être que le résultat d'une évolution spécifique à chaque société, à chaque Etat. Il est possible d'exporter des mécanismes, mais il est impossible de garantir leur réception réelle dans le système de destination. Sans même parler de leur effectivité et des risques d'affaiblir en fait le système de réception dans son ensemble. Ainsi, l'exception américaine, son expansionnisme juridique et politique est en soi un non sens. Il est un non sens si le but est réellement d'exporter la démocratie, en revanche il ne l'est pas du tout s'il n'agit d'élargir la zone de domination, le droit et la politique générale déterminant l'appartenance. Sans oublier qu'un Etat est destabilisé par les importations politiques massives, il ne les digère pas. Il peut alors être très gentillement qualifié d'Etat en transition, état qui peut durer longtemps, très longtemps, et tout ce temps il se trouve mis sous "tutelle". Mais ces processus d'élargissement de puissance sous label "démocratie" ne peuvent fonctionner qu'avec l'assentiment généralisé de la communauté internationale et la discréditation des "non-alignés", car non seulement la concurrence ne peut être acceptée, et elle doit alors être présentée comme une volonté de remise en cause du modèle démocratique, mais le voile ne peut être levé sans porter atteinte aux intérêts réels en jeu. C'est le paradoxe des Etats Unis.
 
3. Pourquoi le développement de structures décisionnelles supra-nationales entraîne-t-elle obligatoirement un déficit démocratique?
Si chacun est maître en sa maison, il faut avoir une très forte légitimité pour gouverner dans la maison d'un autre, d'un voisin ou même d'un cousin très éloigné, ou bien jouer au pompier-pyromane. Or, le système des organismes surpa-nationaux tire sa légitimité de celle de ses membres, donc des Etats qui le composent, ils l'aspirent et s'en nourrissent. Pour autant, le renforcement de leur position, de leurs compétences et  autorité passe par l'affaiblissement des Etats qui les composent: la souveraineté nationale reste un frein insupportable à la gouvernance internationale. A terme, il faut trouver cet équilibre précaire entre l'affaiblissement des composantes qui permettra le renforcement de la structure, sans conduire à son affaiblissement corrélatif. Car à ce moment, la structure doit alors développer des mécanismes propres de légitimation, entrant donc en conflit avec ses composantes. Ce qui ne lui sera favorable que si celles-ci sont suffisamment affaiblies, mais encore assez "vivantes" pour signer leur reddition. C'est le paradoxe de l'UE.
 
Notre modèle de gouvernance aujourd'hui repose donc sur la cumulation de tous ces paradoxes et difficultés, nage en eaux troubles au milieu de montagnes d'hypocrisie et s'éloigne de plus en plus dangereusement des aspirations des populations. Les réponses apportées consistent le plus souvent en une politique d'austérité qui réduit l'Etat au minimum ne lui permettant plus de jouer son rôle à l'intérieur de ses frontières, les populations sont acculées à des baisses de revenus et à une insécurité réelle quant à l'avenir, les voix qui s'élèvent sont discréditées. Et les Etats ne peuvent plus faire autrement que discréditer ces voix qui s'élèvent à l'intérieur, car sinon tout le chateau de cartes s'écroule. Ils devraient montrer qu'ils ne décident plus de leur politique intérieure, mais que la détermination des politiques nationales se fait à l'intérieure de structures qui ne sont pas confrontées à la responsabilité politique devant les population qu'elles gouvernent réellement, que ces mêmes structures dépendent également d'acteurs internationaux qui les dépasse et vont influencer leur choix (voir par exemple la montée bien à propos des agences de notation ces dernières années, qui retranscrivent sur le plan financier le bon ton politique). Il faudrait également reconnaître que tout Etat n'a plus le droit à son indépendance et à sa souverainté, seulement certains ayant le privilège de la défense de ses intérêts nationaux, essentiellement les Etats Unis en fait. Donc, il ne peut y avoir de place pour la Russie.
 
Et si l'on analyse la situation ukrainienne à travers ce paradigme, on comprend mieux ce qui se passe. L'Ukraine a fait le choix de la non existence politique propre. Fut un temps où elle s'en remettait à la Russie, elle s'en est ensuite remise à l'UE - sans grande efficacité - donc elle est sous gouvernance américaine. Elle doit donc faire taire les voix qui s'y opposent, elle n'a pas le choix: les politiciens ukrainiens ne vont pas affirmer, comme leurs homologues européens par ailleurs, qu'ils ne vont pas défendre les intérêts de leur pays, qu'ils vont même aller à leur encontre. L'UE ne peut que soutenir les nouveaux gouvernants européens, car elle s'est tournée vers les Etats Unis, sa capacité décisionnelle est au plus bas et ses Etats membres sont au bord de la perte de souveraineté sans qu'un mécanisme de remplacement n'ait été mis en place. Elle est donc pied et poing liée. Or les Etats Unis ne peuvent laisser la Russie terminer ce conflit sur une victoire. On ne peut s'arrêter sur la Crimée, ils ont besoin d'une victoire à n'importe quel prix. D'autant plus que l'Ukraine est loin et que même en cas d'explosion ce sera à l'UE d'assumer à ses frontières et qu'au passage cela permet de faire jouer des sanctions économiques qui affaibliront le marché européen en retour, ce qui tomber bien au moment du grans traité transatlantique, pour complètement se défaire d'un autre risque de concurrence.
 
Bref, l'Ukraine est au contre de toutes les attentions car les masques ne peuvent tomber sans emporter avec eux l'échec et l'illusion de notre modèle actuel de gouvernance.
 
 
 
 
 

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