L'ACTUALITE RUSSE EN FRANCAIS MISE AU POINT PAR RUSSIE POLITICS SUR Facebook ET Twitter!

samedi 13 octobre 2012

Les taux d’acquittement : 0,8% en Russie et 0,6% aux Etats Unis


Attention! Il y a un problème avec les chiffres français. Les données fournies par le ministère de la justice ne précisent pas clairement ce qui est de l'acquittement. Et tout ce qui est absence de condamnation n'est pas acquittement, loin s'en faut. Pour l'instant on met entre parenthèse ces chiffres pour la France, le rapport 1,17 doit être précisé. Car il donne un résultat faussé de 15%, mais ce n'est pas de l'acquittement!

Pour revenir sur une question douloureuse à l’égard du système judiciaire russe, celui de son extrêmement faible taux d’acquittement, j’ai voulu, par curiosité, regarder ce qui se passe dans d’autres pays, reconnus pour être les champions modernes de la démocratie. Et là, surprise ...

 

Très souvent l’on entend s’écrier de toute part – et sans doute pensais-je avec raison – mais regardez, 0,8% de taux d’acquittment en Russie, c’est une honte ! Une personne qui entre dans un tribunal est donc a priori coupable ! Et effectivement, ce chiffre le laisse penser.

 

Selon la statistique judiciaire[1],  en première instance, dans les neuf premiers mois de l’année 2010[2] on compte 816 300 nouvelles affaires pénales (contre 842 215 pour la même période en 2009) pour 0,7 % de personnes innocentées [3]; 10 202 235 nouvelles affaires en matière civile pour 2010 (contre 9 659 005 en 2009). En appel, le nombre d’affaires pénales en 2010 s’élève à 34 041 (contre 34 962 en 2009) et dans 126 affaires le jugement de première instance a été annulé car non fondé. En matière civile, on note également une légère baisse entre 2009 et 2010, puisque les chiffres sont passés de 107 600 à 102 877. En cassation, 246 286 affaires pénales étaient en instance devant la Cour Suprême fédérale en 2010 (contre 238 302 en 2009) et dans 176 affaires le jugement des cours inférieures a été cassé car infondé. En matière civile[4], on décompte 400 954 nouvelles affaires en 2010 (contre 355 886 en 2009). En général, selon les années, les pourcentages globaux d’acquittement varient autour de 0,8%.

 

Alors, qu’en est-il dans notre bon vieux pays de France ?

 

En 2009, il y a eu en tout 1 239 632 affaires suivies ou ayant données lieu à une procédure alternative ou de composition pénale. En conséquence de quoi, il y a eu 1 053 251 condamnation. Soit un taux d'acquittement à 1,17. Pas très glorifiant non plus, si l’on reprend les mêmes critères d’appréciation, que ceux en vigueur pour le système judiciaire russe. Précisions: Les chiffres correspondent en fait à l'absence de condamnation. Une précision sera rapidement apportée dans une publication séparée. Merci pour votre compréhension et désolée pour ces désagréments! Car si l'on prend tout en compte, les compositions, les mesures alternatives etc on arrive effectivement à un chiffre faussé de 15%, qui ne correspond pourtant à rien.

 

Dans le détail, il y a eu des condamnations pour 2 706 crimes, 650 699 délits, 46 407 contraventions de 5e classe et 354 439 contraventions de première à 4e classe.[5]

 

En 2008[6], on compte en tout 637 665 condamnations. Il y a donc une augmentation significative des condamnations en France entre 2008 et 2009. Elles ont été prononcées par les tribunaux correctionnels à 78,3%, par les tribunaux de proximité à 7,8%, par les juridictions de mineurs à un peu plus de 9% et par les cours d’appel à 4,3%. Elles concernent 0,4% de crimes, 92,2% de délits et 7,4% de contraventions de 5e classe (essentiellement en matière routière).

 

Pour ce qui concerne la nature et la durée des peines prononcées. En matière criminelle, la privation de liberté est la règle et elle est prononcée dans 88% des cas. La durée moyenne de rétention est de 14,8 ans. En matière délictuelle, la peine de prison est prononcée dans environ 50% des cas pour une durée moyenne de 8 mois. Pour les contraventions de 5e classe, une peine d’amende est prononcée dans 94% des cas, avec un montant moyen de 380 euros.

 

Quelques données encore plus surprenantes, recuillies pour l’année 2003.[7] Sur 11 000 personnes mises en examen pour crime en 2003, un quart de ces personnes ont été placées en détention provisoire et finalement 2,7% ont été acquittées. Il faut souligner que cette année-là, 537 personnes étaient en détention provisoire depuis plus de trois ans ! Les peines de substitution à la prison représentent moins de 10% des peines prononcées en totalité et l’on s’approche du zéro en matière criminelle. En 2002, sur les 18 667 condamnés susceptibles de bénéficier d’une libération conditionnelle, seuls 26% d’entre eux en ont bénéficié. Le taux d’accupation des prisons en 2003 est de 138,3% pour les maisons d’arrêts et de 118% pour les centres pénitentiaires.

 

En ce qui concerne les Etats Unis[8], les résultats sont en fait encore plus surprenant : 0,6%. Pour comprendre ce chiffre, il faut comprendre le fonctionnement du système judiciaire. La grande mascotte du système américain est le plaider coupable ou plea bargain, qui représente 97% du mode de résolution des conflits en justice. Or, dans cette procédure, la personne interpellée reconnaît sa culpabilité pour négocier sa peine. Le juge ne fait qu’entériner la négociation. Elle est donc toujours reconnue couplable, puisque c’est une condition nécessaire à la mise en route de cette procédure, et une peine est toujours prononcée. Dans les 3% restant, où l’affaire est portée et réellement traitée par les tribunaux et les jury populaires, il y a environ 20% d’acquittement, chiffre comparable en Russie avec l’intervention du jury populaire, donc dans les mêmes conditions. Ainsi, pour reprendre la même structure de décompte que l’on utilise pour la Russie, où cette procédure est utilisée aujourd’hui selon les domaines dans environ 60-70% des cas et entre dans la statistique globale des environ 0,8% d’acquittement, pour les Etats Unis on obtient 0,6%.

 

Pour nous faire réfléchir sur l’évolution de l’humanisation de la justice, j’ai, par hasard, retrouvé les données de la Cour d’assises du Lot du début du 19e siècle. En 1828, la Cour d’assises du Lot a traité 123 affaires. Il y eut 52 condamnations pour 71 acquittements. En 1829, cette Cour d’assises a traité 76 affaires. Elle a prononcé 36 condamnations pour 40 acquittements.[9]

 

Cela laisse rêveur ...



[1] Voir le site officiel de la Cour Suprême de la Fédération de Russie, http://www.cdep.ru/index.php?id=5&item=394
[2] Je prend cette période en Russie, puisque c’est la période pour laquelle j’ai trouvé les données en France.
[3] Les jurys populaires ont connus de 847 affaires, pour 169 acquittements.
[4] Ces données ne tiennent pas compte en matière civile des affaires pendantes devant le système des cours d’arbitrage qui jugent des affaires civiles-économiques.
[9] J.-A Delpon, Statistiques du département du Lot, Tome II, Paris, 1831, p. 149

vendredi 12 octobre 2012

Conférence à Higher School of Economics: La modernisation des instruments juridiques

Hier à Higher School of Economics s'est tenue une conférence internationale en l'honneur des 20 ans de l'Université et des 15 ans de la faculté de droit.

Dans la première partie, officielle, le recteur de l'Université a insisté sur l'importance de l'interdisciplinarité dans l'enseignement du droit et, évidemment de la place de l'économie dans cet enseignement. Le tout en jetant quelques pics bien ascérés aux juristes, qui ont de grandes difficultés à collaborer avec leurs collègues d'autres disciplines.
 
La plus surprenante des interevntions était celle du président de la Cour supérieure d'arbitrage, A. Ivanov. Longuement, il a souligné les difficultés d'implantation des mécanismes juridiques européens dans le système juridique russe. Il y a trouvé d'ailleurs une des raisons fondamentales des dysfonctionnements actuels: la Russie n'était pas prête à les implanter, la société n'était pas prête à les comprendre, le législateur les a mal interprété et mis en place. Ce qui a conduit aux dérives que l'on connait aujourd'hui en matière, notamment de criminalité économique, fiscale, des "entreprises d'un jour", etc. Les hommes d'affaires, eux, n'y sont pour rien. Puisque dans un environnement concurrentiel, ils sont obligés d'enfreindre la loi pour rester justement concurrentiels. A ses yeux, il serait mieux de suivre le modèle américain sur beaucoup d'aspects, qui, lui, manifestment ne doit pas poser de problème d'implantation. Puisque ce modèle légalise des moyens de défiscalisation et permet donc aux entreprises d'être concurrentielles. Notamment, des paradis fiscaux légaux, de l'évasion fiscale légale etc. Puisque ces entreprises d'un jour existent en Russie, cela signifie qu'il y a une demande en la matière. Il faudrait donc l'intrégrer et la légaliser. Comme ça il n'y aurait plus d'infraction, plus de problèmes puisque tout serait légal. Le raisonnement est exemplaire. En poussant à l'extrême, on peut dire que puisqu'il y a des crimes, il y a demande, donc il faut les légaliser, comme ça il n'y aura plus d'infraction et plus de problèmes. Mais pour revenir à la question soulevée par A. Ivanov, rappelons-le à la tête de la plus haute juridiction traitant les affaires économiques, on a envie de lui demander: si la société est coupable parce que pas suffisamment développée, si le législateur est coupable car incompétent, si les hommes d'affaires sont a priori innocents car ils n'ont pas le choix, comment voit-il le rôle du juge? A cette question, nous n'avons pas eu de réponse.
 
Ensuite, l'ancien juge à la Cour constitutionnelle T. Morchakova a souligné dans sa conférence l'importance de l'indépendance de la justice et la difficulté de sa mise en oeuvre technique. Une intervention toute en nuance et en profondeur, qui met en lumière le rôle aujourd'hui central d'un contrôle de la société sur le juge, mais souligne les problèmes de l'organisation de ce contrôle et la formalisation de son rôle.
 
Le juge constitutionnel G. Gadjiev s'est penché sur les questions de culture juridique à travers la réception de la pensée de Kelsen en Russie. Selon lui, ce grand auteur n'est pas reconnu à sa juste valeur, notamment en raison des problèmes de traduction. Il a ainsi mis l'accent sur l'importance des langues étrangères afin d'élargir ses connaissances et sa compréhension du droit.
 
Le président du Conseil pour le développement de la société civile et des droits de l'homme, M. Fedotov, s'est penché sur la question d'internet, qui modifie la question du rapport à l'Etat et à sa souveraineté. Puisque dans ce cas, dans ce monde virtuel, l'Etat ne peut plus être un critère d'appréciation du droit en vigueur, car il n'y a pas d'Etat dans l'internet.
 
Les travaux en section ont, pour leur part, permis d'approfondir les questions relatives à la modernisation des instruments juridiques. Dans la section présidée par le professeur M. Krasnov, sur la recherche d'une optimalisation des procédés de régulation en matière publique, différentes questions importantes ont été traitées. Celle du rôle de l'Etat dans le contexte de la globalisation, la question des liens entre régimes présidentiels ou parlementaires et effectivité de l'Etat, la question de l'adéquation des moyens mis en oeuvre aux buts recherchés, les problèmes de la législation électorale notamment en ce qui concerne les élections locales, la question très importante des consultations populaires lors de la discussion des projets de loi - leur caractère virtuel et la grande difficulté technique de leur donner un cadre juridique les rendant efficaces, la question de collaboration entre l'Etat et le bisness ainsi que la question du côté "mythique" de certains instruments actuels (vous trouverez le texte de cette conférence en russe sur le blog).
 
Les discussions furent vivent et ont montré toute la difficulté de la "transcription juridique" des principes moraux, des valeurs sociales, sur lesquelles il y a pourtant un accord de principe. Car chaque aspect, l'indépendance de la justice, la participation de la société, la transparence des élections, le pluralisme, ne pose pas de problème au niveau de l'accord de principe. Mais chacun peut être réalisé de différentes manières. Et de la voie choisie va dépendre l'efficacité de ces mécanismes. Tenir compte des buts, des réalités, des moyens, de la logique interne du système juridique, demande une réflexion de fond. L'énergie et l'ouverture des participants ont en tout cas démontré la volonté de mener cette réflexion.

mercredi 10 octobre 2012

Les élections du maire de Khimky: les retraits de candidature

Voir: http://www.vedomosti.ru/politics/news/4831451/pomosch_shahovu

Le candidat de Spravedlivaya Rossiya A. Romanovitch, le leader du parti Les villes de Russie I. Babak et l'ancien membre de Iabloko I. Beloussov ont retiré leurs candidatures pour les élections du maire de la ville de Khimky. Il reste maintenant 10 candidats en course. La question qui se pose est de savoir comment vont se reporter les voix.
 
Romanovitch n'a pas précisé quel candidat il soutenait, Babak et Beloussov recommandent de soutenir le candidat du pouvoir, le maire par intérim de la ville, O. Chakhov, qui bénéficie du soutien du gouverneur si influent de la région de Moscou, S. Choïgu. Selon leurs dires, celui qui bénéficie du soutien du Gouverneur est le seul à pouvoir le plus efficacement gérer la ville. Il faut rappeler que Beloussov était arrivé deuxième aux élections de 2009 avec 22% et prétendait à la quatrième place à ces élections.
 
Il y a des chances que l'électorat de Beloussov ne se reporte pas vers Chakhov, son image est trop contestataire pour que ses électeurs puissent soutenir le candidat du pouvoir. Il peut vraissemblablement se retourner vers Tchirikova, qui bénéficie du soutien de Iabloko et très récemment de Prokhorov.
 
Les intrigues se poursuivent.
 
 

mardi 9 octobre 2012

La régulation du principe de transparence dans les cours d'arbitrage

Voir: http://pravo.ru/news/view/78352/
Ici le texte de la résolution http://pravo.ru/doc/view/274/

Le 8 octobre, l'assemblée plénière de la Cour supérieure d'arbitrage (juridiction suprême en matière économique a adopté une résolution réglementant l'application du principe de transparence dans les cours d'arbitrage.
 
En substance, le texte précise les droits des journalistes et du public d'assister aux audiences publiques. Ainsi, par exemple, il n'est pas autorisé de refuser l'accès à la salle en se fondant uniquement sur le manque de place.
 
Si sur le fond cette règle permet de prévenir la mauvaise foi d'un juge, il faudra faire attention à ce qu'elle ne soit pas détournée par les activistes pour surcharger volontairement une salle et gêner la procédure, ce qui est tout à fait possible. Bref, il reste à espérer qu'elle sera utilisée raisonnablement par les deux "camps".
 
De même, le texte prévoit la possibilité de principe d'une transmission en directe des audiences publiques sur internet et dans les réseaux sociaux. Si le juge s'y oppose, il doit dès lors motiver sa décision.
 
Par ailleurs, la notion d'audience en huis clos est précisée. L'option ne peut être retenue sur simple demande d'une des parties, mais il faut démontrer l'examen de documents ou de faits tombant sous le coup du secret, notamment commercial. Si lors des débats, le juge se rend compte qu'en réalité aucun secret n'est en jeu, il peut rendre l'audience publique.

lundi 8 octobre 2012

Anatomie des mouvements contestataires, Udaltsov et la guerre médiatique

Voir le film http://www.dni.ru/polit/2012/10/5/241591.html
Contre: http://www.specletter.com/obcshestvo/2012-10-05/ntv-rasstavil-gruzinskie-aktsenty-v-oppozitsii.html
Pour: http://www.politonline.ru/groups/4508.html

Vendredi soir, sur NTV, est sorti le deuxième volet de la série documentaire sur l'opposition russe, ses financements et son idéologie. Le premier volet visait à démontrer le financement étranger - américain - d'une partie des opposants, le second concerne Udaltsov, son soutien géorgien et ses ambitions révolutionnaires.
 
L'essentiel du documentaire consiste en une conversation filmée en caméra cachée entre Udaltsov et un géorgien, le vice-président du comité de la défense et de la sécurité au Parlement géorgien, pour le développement et le financement des mouvements de contestation du pouvoir en Russie.
 
Partant de la déclaration publique de Udaltsov selon laquelle, le centre de leurs préoccupations n'est pas les élections mais la révolution, l'entretien vise à concrétiser les dires. Prise de Kaliningrad - coupée de la Russie par une zone couverte par l'OTAN, explosion d'une voie de chemin de fer allant vers la Sibérie avec l'aide de criminels afin de couper le pays en deux, financement stable à hauteur d'environ 35 000 dollars par mois pour tout organiser ...
 
Evidemment, la première réaction est de crier à la phobie habituelle de l'étranger, au réflexe de la conspiration.
 
Ce que fait une partie de l'opposition. Pourtant, Udaltsov, sur Les échos de Moscou, n'a pas contesté le fond de ses paroles. Et les critiques ne les remettent pas en cause. Elles veulent ridiculiser la vidéo, mais ne touchent pas au fond. Autrement dit, il n'est pas démontré que la conversation n'a pas eu lieu.
 
Mais le changement de pouvoir - et de politique - en Géorgie peut avoir une influence sur l'évolution des évènements. Mais il reste à déterminer s'il s'agit des élucubrations d'un héros solitaire en mal de révolution ou bien de la conviction d'une partie représentative de l'opposition? Là, il y a un doute.
 
Les paroles de Udaltsov sont extrêmes, elles constituent une incitation et une préparation à un changement de régime par la violence. Des députés et des sénateurs demandent l'ouverture d'une enquête pour vérifier les faits.
 
En tout cas, la guerre médiatique entre l'opposition qui se radicalise et le pouvoir se renforce. Le danger dans ces démarches est qu'il ne s'agit pas d'une approche rationnelle, mais les deux parties jouent sur l'affectif, les peurs ancestrales, les racourcis faciles. Face à la figure de l'opposant révolutionnaire on oppose la réthorique du complot, sans se poser plus de questions, sans chercher à comprendre. A la guerre comme à la guerre ...