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mercredi 20 juin 2012

CEDH: l"opposition a honnêtement perdu les élections de 2003

Voir: http://www.gazeta.ru/politics/2012/06/19_a_4632129.shtml


La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre un arrêt en chambre concernant la contestation par le parti communiste, le parti Iabloko et certains politiciens de la manière dont les élections parlementaires de 2003 se sont déroulées. Bien qu'argumentant sur l'inégalité de la couverture médiatique, la partialité des journalistes couvrant l'évènement et l'impossibilité d'avoir un jugement équitable auprès des juridictions nationales, la CEDH n'a pas suivi les requérants et a soutenu la décision rendue par la Cour suprême de la Fédération de Russie en la matière.

Cet arrêt pose plusieurs questions intéressantes, qui prennent de court la rhétorique habituelle de l'opposition politique russe. Et, dans le contexte de réforme de la Cour de Strasbourg, on peut en déduire l'affirmation d'une volonté de ne pas se substituer aux juridictions nationales et de ne pas entrer dans les questions de politique intérieure des Etats, tant que les violations ne sont pas graves et patentes.

Le 1er août 2005, le parti communiste, le parti Iabloko, S. Ivanenko, E. Kiselyev, D. Muratov, V. Ryjkov, V. Solovyev et I. Khakamada déposent un recours devant la CEDH pour violation de l'article 13 de la Convention (droit à un recours effectif), de l'article 6 de la Convention (droit à un procès équitable) et de l'article 3 du 1er Protocole (droit à des élections libres).

Selon les requérants, les principales chaînes nationales qui ont couvert les élections ne l'ont pas fait de manière équitable. Le temps d'antenne lors de la campagne officielle fut de 642 minutes pour le parti Edinaya Rossiya, de 316 minutes pour le parti communiste et de 197 minutes pour Iabloko. De plus, les journalistes n'ont pas couvert les évènements de manière neutre et la relation de l'activité des partis d'opposition était négative, ce qui n'était pas le cas pour le parti du pouvoir. Ces éléments auraient donc eu pour effet de manipuler l'opinion publique, de la rendre défavorable à l'opposition, expliquant ainsi la victoire d'Edinaya Rossiya, le faible résultat du parti communiste et l'échec total de Iabloko.

S'adressant à la Commission centrale électorale à propos de la couverture inéquitable des élections par les chaînes nationales, Iabloko a obtenu la reconnaissance de l'existence de certains éléments défavorables à son encontre. Les opposants se sont alors adressés encore à la Commission et à différentes instances à ce sujet, Commission qui a enjoint en novembre 2003 les chaînes publiques à respecter le principe de neutralité.

Suite aux résultats des élections, les requérants se sont adressés à la Cour suprême pour les faire annuler. En substance, la Cour les a débouté, et en première instance et en appel, dans la mesure où:
  •  même si la couverture médiatique a parfois été critique, ils avaient la possibilité d'acheter des espaces publicitaires payant en plus des espaces gratuits mis à leur disposition (ce qu'a fait Iabbloko);
  • la différence en terme de volume de couverture médiatique peut également s'expliquer par la difficulté à distinguer pour le parti au pouvoir, à quel moment les journalistes couvrent l'activité électorale et à quel moment il s'agit de la couverture de son activité de gestion des affaires publiques;
  • il n'est pas prouvé que l'attitude négative de certains journalistes soit le résultat d'une pression officielle - il peut également s'agir d'une position personnelle;
  • en dehors de la couverture officielle, les partis avaient la possibilité de recourir à d'autres moyens pour faire passer leurs idées;
  • le lien de causalité directe entre les résultats obtenus et la couverture médiatique n'a pas été démontré. 
La CEDH a suivi en tous points la décision de la Cour suprême, soulignant également que la question du principe de l'indépendance de la Cour suprême ne se pose pas. Les requérants furent donc déboutés sur tous les points contestés.

Cette décision est intéressante à plusieurs points de vue.

Tout d'abord elle porte atteinte à la position quasiment unanime selon laquelle l'opposition perd systématiquement les élections, non pas en raison de son incapacité à convaincre un électorat suffisant, mais uniquement en raison des pressions étatiques. En l'occurrence, de la pression de l'Etat sur les médias qui donnent systématiquement une mauvaise image - sans fondement - de l'opposition, formant ainsi les esprits contre elle. En d'autres termes, la propagande d'Etat est à la source de l'échec constant de l'opposition. Il est peut être temps pour l'opposition de faire un examen de consience pour enfin entrer de manière efficace dans le jeu politique: les élections ne se gagnent pas dans la rue, mais dans les urnes. Et cela demande un véritable travail de fond, de construction d'un programme, de dialogue avec les électeurs, de démarche presqu'à domicile, beaucoup plus contraignant et beaucoup moins ludique que les promenades littéraires. Mais plus efficace...

Ensuite, la Cour reste consciemment en retrait des questions de politique intérieure et ne prend pas a priori position. Cela se voit par la nécessité de "prouver" le lien de causalité entre la couverture médiatique et les résultats, de prouver également l'existence de pressions étatiques sur les journalistes. La CEDH n'est pas une "organisation civile" de défense des droits de l'homme, qui a donc et naturellement une certaine orientation politique. Il s'agit au contraire d'une "juridiction" de défense des droits de l'homme, ce qui exige une argumentation juridique et une neutralité politique. Ce qui est ici démontré. Le rôle de la Cour n'est de toute manière pas d'annuler des élections nationales. Elle n'en a ni la compétence ni la légitimité.

Enfin, la CEDH n'a pas vocation à se substituer aux juridictions nationales. Et il n'est pas possible d'arguer a priori du principe d'inefficacité des recours internes ni d'avancer un principe de dépendance des juridictions nationales. la Cour n'entre pas dans cette rhétorique trop facile et particulièrement destructrice. Quand une juridiction nationale rejette un recours, cela n'implique pas automatiquement sa dépendance politique. Sur des questions aussi sensibles, la dérive d'interprétation idéologique est facile. L'indépendance d'une juridiction se mesure aussi par la qualité et l'adéquation au résultat de l'argumentation dans la décision. Ce qui a ici été le cas. 
     



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